Bien que marqué par l'héritage médiéval, Clément Marot est un des premiers poètes français modernes. Précurseur de la Pléiade, il est le poète officiel de la cour de François Ier. Malgré la protection de Marguerite de Navarre, sœur du roi de France François Ier, ses sympathies marquées pour la Réforme et pour Luther lui ont cependant valu la prison, puis l'exil en Suisse et en Italie.
Le nom de Marot, dit Laharpe, "est la première époque vraiment remarquable dans l’histoire de notre poésie, bien plus par le talent qui lui est particulier, que par les progrès qu’il fit faire à notre versification. Ce talent est infiniment supérieur à tout ce qui l’a précédé, et même à tout ce qui l’a suivi jusqu’à Malherbe. La nature lui avait donné ce qu’on n’acquiert point: elle l’avait doué de grâce. Son style a vraiment du charme et ce charme tient à une naïveté de tournure et d’expression qui se joint à la délicatesse des idées et des sentiments. Personne n’a mieux connu que lui, même de nos jours, le ton qui convient à l’épigramme, soit celle que nous appelons ainsi proprement, soit celle qui a pris depuis le nom de madrigal, en s’appliquant à l’amour et à la galanterie. Personne n’a mieux connu le rythme du vers à cinq pieds, et le vrai ton du genre épistolaire, à qui cette espèce de vers sied si bien. Son chef-d’œuvre en ce genre est l’épître où il raconte à François Ier comment il a été volé par son valet. C’est un modèle de narration, de finesse et de bonne plaisanterie.. Cette estime pour les poésies de Marot a triomphé du temps et des vicissitudes du langage. Boileau a dit dans les beaux jours du siècle de Louis XIV : Imitez de Marot l’élégant badinage.La Fontaine a prouvé qu’il était plein de sa lecture. II n’y a guère, dit la Bruyère, entre Marot et nous que la différence de quelques mots".
Son œuvre
Poète varié, plus grave qu’on ne l’imagine, mais incapable de s’accommoder de l’austérité d’un Calvin, Clément Marot participe encore de la tradition médiévale. L’œuvre de Marot est très abondante et « l’élégant badinage » auquel Boileau l’associe dans son Art Poétique n’est qu’un aspect. On remarque, en lisant ses Œuvres, comme le poète a évolué de la discipline des Rhétoriqueurs, vers un art très personnel qui le rapproche de l’humanisme. Dans les pays francophones, il est surtout connu pour l'élaboration de nombreux psaumes protestants qui seront chantés dans le monde entier.
L’Adolescence clémentine (1532-1538) comprend les poèmes de jeunesse. Ils se caractérisent par la variété des formes et des sujets abordés :
La première Églogue des Bucoliques de Virgile (traduction)
Le Jugement de Minos (inspiré de la traduction latine du "Dialogue des morts" de Lucien de Samosate)
"Les Tristes vers de Philippe Béroalde" (traduction du "Carmen lugubre de die dominicae passionis" de Philippe Béroalde)
Oraison contemplative devant le Crucifix (traduction de l'"Ennea ad sospitalem Christum" de Nicolas Barthélemy de Loches)
Épîtres : 10 pièces (11 si l’on compte L’Épître de Maguelonne). Cette épître de Maguelonne relève de l’héroïde.
Complaintes
Épitaphes: forme brève, l’épitaphe peut ne comporter que deux vers. Au début de la section le ton est grave, puis le sourire fait son apparition.
Ballades: elles comprennent une trentaine de vers répartis en trois strophes et demie, un refrain d’un vers et un envoi-dédicace. La Ballade joue sur trois ou quatre rimes. Le poème se termine par une demi-strophe, adressée au Prince (ou à la Princesse).
Rondeaux: qui comprennent de 12 à 15 vers, caractérisés par le retour du demi-vers initial au milieu et à la fin du poème.
Chansons: La chanson est propice à toutes les acrobaties de la rime.
Marot passeur de l'œuvre de François Villon
On peut enfin considérer comme part de l'œuvre de Marot le rôle essentiel qu'il joua dans la reconnaissance de la poésie de François Villon. Marot publia en effet la première édition critique des œuvres de Villon en 1533 soit soixante-dix ans après la disparition du plus célèbre poète français de la fin du Moyen Âge. Dans le prologue de cette édition, Marot écrit :
« Entre tous les bons livres imprimés de la langue française, il ne s'en voit un si incorrect ni si lourdement corrompu que celui de Villon. Et m'ébahis, vu que c'est le meilleur poète parisien qui se trouve, comment les imprimeurs de Paris et les enfants de la ville n'en ont eu plus grand soin. »