Les registres de textes avec exemples
Un registre est déterminé par l’émotion, la sensation que transmet un texte. Chaque registre peut donc être retrouvé dans tous les genres littéraires.
le registre correspond à la nature particulière de l'émotion que le texte vise à communiquer indépendamment du « genre » dans lequel il s'inscrit : ainsi un texte romanesque peut être traversé du registre épique, le registre réaliste peut caractériser tel passage d'une épopée, etc.
COMIQUE
On cherche à amuser, provoquer le rire (ou au moins le sourire). Se demander toujours s'il n'y a pas, derrière, un message visant une critique. Moyens : ce sont surtout les formes de comique, vous les connaissez depuis, boh, la 6è ! Comique de mots, de geste, de situation et de caractère.
Exemple:
[Gabriel présente son numéro de strip-tease.]
- Alors, mes agneaux et vous mes brebis mesdames, vous allez enfin avoir un aperçu de mes talents. Depuis longtemps certes vous savez, et quelques-uns d'entre vous ne l'ignorent plus depuis peu, que j'ai fait de l'art chorégraphique le pis principal de la mamelle de mes revenus. Il faut bien vivre, n'est-ce pas ? Et de quoi vit-on ? je vous le demande. De l'air du temps bien sûr - du moins en partie, dirai-je, et l'on en meurt aussi - mais plus capitalement de cette substantifique moelle qu'est le fric
SATIRIQUE
On critique en faisant des portraits proches de la caricature, qui grossit les traits caractéristiques de manière exagérée.
TRAGIQUE
On insiste ici sur le fait que le personnage est une victime du destin, des dieux, etc. On véhicule ainsi l'idée que l'homme n'est pas libre, il ne fait que subir un destin des plus déprimants
Exemple:
"Grâce aux dieux ! Mon malheur passe mon espérance!
Oui je te loue, ô Ciel, de ta persévérance !
Appliqué sans relâche au soin de me punir,
Au comble des douleurs tu m'as fait parvenir ;
Ta haine a pris plaisir à former ma misère ;
J'étais né pour servir d'exemple à ta colère,
Pour être du malheur un modèle accompli.
Hé bien : je meurs content, et mon sort est rempli.
"
Jean Racine, Andromaque, scène finale (1667).
PATHETIQUE
« Pathos » signifie souffrance en grec. Si vous avez bien compris, on fait appel avec ce registre à la compassion du lecteur, face à la souffrance d'un innocent pour lequel il a de la sympathie : tristesse, pleurs, lamentations, appels à l'aide bouleversants... tout est fait pour vous faire venir les larmes aux yeux, mais sans cette idée que la souffrance est causée par le destin (ce serait plutôt les événements, la bêtise humaine, etc).
Exemple:
[Victime des sévices d'un père alcoolique, la petite Lalie Bijard agonise sous l'œil navré de Gervaise.]
Gervaise, cependant, se retenait pour ne pas éclater en sanglots. Elle tendait les mains, avec le désir de soulager l'enfant; et, comme le lambeau de drap glissait, elle voulut le rabattre et arranger le lit. Alors, le pauvre petit corps de la mourante apparut. Ah ! Seigneur ! quelle misère et quelle pitié ! Les pierres auraient pleuré
LYRIQUE
La « Lyre » devrait vous faire penser, bien sûr, à Orphée le poète chanteur de la mythologie grecque qui s’accompagnait de cet instrument. Les grands thèmes lyriques sont dans son histoire : expression des sentiments, de l'amour, mort, nostalgie, nature, mais aussi importance de la musicalité et du rythme (Orphée était un poète-chanteur). Vous trouverez des textes lyriques écrits, le plus souvent, à la première personne.
Exemple:
Solal rêve de conquérir Ariane.]
Ô elle dont je dis le nom sacré dans mes marches solitaires et mes rondes autour de la maison où elle dort, et je veille sur son sommeil, et elle ne le sait pas, et je dis son nom aux arbres confidents, et je leur dis, fou des longs cils recourbés, que j'aime et j'aime celle que j'aime,
EPIQUE
L'épique cherche à susciter l'admiration du lecteur face à des héros accomplissant des exploits quasi surhumains. On le trouve, au départ, dans l'épopée (d'où son nom), puis dans les récits d'aventures, et les légendes.
Exemple:
Toute cette cavalerie, sabres levés, étendard et trompettes au vent, formée en colonne par division, descendit, d'un même mouvement et comme un seul homme,
avec la précision d'un bélier de bronze, qui ouvre une brèche, la colline de la belle alliance, s'enfonça dans le fond redoutable où tant d'hommes déjà étaient tombés,
y disparut dans la fumée, puis, sortant de cette ombre, reparut de l'autre côté du vallon, toujours compacte et serrée, montant au grand trot, à travers un nuage de
mitraille crevant sur elle, l'épouvantable pente de boue du plateau de Mont-Saint-Jean. Ils montaient, graves, menaçants, imperturbables ...Victor Hugo, Les Misérables(1862)
FANTASTIQUE
Pour qu'il y ait fantastique, vous avez besoin de trois ingrédients : un univers vraisemblable et réaliste, un événement surnaturel, et le plus important, une mise en doute de cet événement (il peut avoir une explication naturelle). La nuit, la mort, le mystère l'au-delà sont des thèmes de prédilection des auteurs fantastiques. Ces récits sont souvent rédigés à la première personne car on ne sait pas si l'événement surnaturel s'est vraiment produit ou si le narrateur n'est tout simplement pas fou à lier.
A ne pas confondre avec :
- Le merveilleux : l'univers créé accepte totalement l'imaginaire et la magie. Le surnaturel est bien là, mais n'est jamais vraiment mis en doute par les personnages.
- La science-fiction : l'univers accepte le surnaturel, mais parce qu'il y a derrière une explication scientifique que le narrateur nous livre, ou non.
Exemple:
Le jour de son mariage, pour mieux lancer la balle dans une partie de jeu de paume, un jeune homme a passé son alliance au doigt d'une statue de Vénus
.
-Vous savez bien, mon anneau ? poursuivit-il après un silence.
-Eh bien ! on l'a pris ?
-Non.
-En ce cas vous l'avez ?
-Non... je... je ne puis l'ôter du doigt de cette diable de Vénus.
-Bon ! vous n'avez pas tiré assez fort.
-Si fait... Mais la Vénus... elle a serré le doigt.
Prosper Mérimée,
La Vénus d'Ille
(1837)
REALISTE
On cherche, comme son nom l'indique, à représenter le réel le plus fidèlement possible : descriptions précises, intrigues qui reprend des événements de la vie quotidienne, lieux et atmosphères réels, les personnages sont des êtres ordinaires avec leur manière de parler, leur culture... Les auteurs réalistes, vous l'aurez compris, passent autant de temps si ce n'est plus à se documenter qu'à écrire. Le registre réaliste récrée, tout au long des siècles, les décors de la vie quotidienne du lecteur :
L'auteur s'attache à représenter l'espace familier de la maison, qu'il s'agisse d'une ferme, d'une maison ouvrière ou d'une demeure bourgeoise.
Exemple: « Deux chambres, une salle à manger et une cuisine où des sièges recollés erraient de pièce en pièce selon les besoins, formaient tout l'appartement que Mme Caravan passait son temps à nettoyer. » Maupassant, « En famille », La Maison Tellier, 1881.
POLEMIQUE
L'auteur indigné exprime sa révolte, sa colère face à des problèmes de société, des idées... Il dénonce des abus, bien entendu en essayant de faire en sorte que le lecteur partage son avis, et utilisera pour cela tous les moyens nécessaires : convaincre (par des arguments), ou persuader (en créant l'émotion du lecteur).
Exemple:
Victor Hugo, alors député, proteste dans ce discours
contre un projet de loi réduisant le nombre
d'électeurs.
"Allez, faîtes ! Retranchez trois millions d'électe
urs, retranchez-en quatre, retranchez-en huit
millions sur neuf. Fort bien. Le résultat sera le m
ême pour vous, sinon pire. Ce que vous ne
retrancherez pas, ce sont vos fautes ; ce sont tous
les contresens de votre politique de compression ;
c'est votre incapacité fatale ; c'est votre ignoran
ce du pays actuel ; c'est l'antipathie qu'il vous inspire
et l'antipathie que vous lui inspirez."
Victor Hugo,
Discours sur le suffrage universel
prononcé à l'Assemblée nationale le 20 mai 1850.
DIDACTIQUE
On cherche à transmettre un enseignement. Il se trouve souvent dans les fables ou les contes qui se terminent par une morale. Liens logiques, clarté du discours, volonté d'expliquer seront quelques armes du parfait didacticien. C'est toujours le registre utilisé dans un contexte d'enseignement, ou par exemple, de vulgarisation scientifique :
Exemple:
Pourquoi il nous faut notre dose quotidienne de vitamine C? Avec les journées courtes et le temps froid, revient la période des agrumes... et celle des rhumes. Pas facile de les dissocier ces deux là! Car les agrumes renferment de la
vitamine C ou acide ascorbique nom chimique qu'on lui donne lorsqu'elle apparaît sous forme de supplément dans les produits vitaminiques et alimentaires et
c'est grâce à cette vitamine que plusieurs croient pouvoir remédier au rhume.