Le Rouge et le Noir (1830)
Le Rouge et le Noir, sous-titré Chronique du XIXe siècle, deuxième sous-titré Chronique de 1830 est un roman écrit par Stendhal, publié en novembre 1830. C'est le deuxième roman de Stendhal, après Armance.
Résumé
Le roman est divisé en deux parties : la première partie retrace le parcours de Julien Sorel en province à Verrières puis à Besançon et plus précisément son entrée chez les de Rênal, de même que son séjour dans un séminaire ; la seconde partie porte sur la vie du héros à Paris comme secrétaire du marquis de La Mole.
Première partie
En épigraphe, Le Rouge et le Noir, Chronique du XIX siècle porte « La vérité, l'âpre vérité. DANTON »2. Aussitôt, Stendhal plante avec précision le décor de la petite ville franc-comtoise de Verrières (ville fictive), sur le Doubs, et la situation sociale et politique, définissant l'atmosphère dans laquelle se forme l'état d'esprit du héros.
Julien Sorel est le troisième fils du vieux Sorel, scieur, qui n'a que mépris pour les choses intellectuelles. Seule sa curiosité le pousse à s'instruire par tous les moyens possibles (ce que le père Sorel appelle flâner), il connaît notamment tous les détails du Mémorial de Sainte-Hélène, car paradoxalement il voue une admiration sans bornes à Napoléon Bonaparte qu’il considère tout à la fois comme un dieu et comme un modèle de réussite. Il devient le précepteur des enfants de Monsieur de Rênal qui le fait entrer au séminaire.
Ce sont là les débuts de Julien dans le monde de la bourgeoisie provinciale. Malgré sa timidité naturelle, il parvient peu à peu à séduire Mme de Rênal, jeune femme assez belle, mais également d'une naïve timidité. La vie de Sorel chez les Rênal est donc marquée par sa vive passion pour Mme de Rênal et par son ambition démesurée. Il rêve de devenir une sorte de nouveau Napoléon Bonaparte. Sa vie est donc dominée par l’hypocrisie. Au château de monsieur de Rênal, il doit cacher ses sentiments pour la maîtresse de maison, et à l'abbé Chélan son admiration pour Napoléon.
Au château, le jeune homme gagne rapidement le cœur des enfants et il prend l'habitude de passer ses soirées d'été en compagnie de Mme de Rênal. La fierté du jeune homme plaît à cette provinciale rêveuse, qui tombe amoureuse de lui sans s'en rendre compte. Mais le tempérament fier et ombrageux de Julien va bientôt tout gâcher : il refuse une augmentation de salaire proposée par Monsieur de Rênal et repousse les avances d'Élisa, femme de chambre de Mme de Rênal.
Élisa s'étant empressée de faire courir une rumeur (fondée) sur les sentiments qui animent sa maîtresse et Julien, les jaloux commencent à jaser à Verrières (Julien était devenu un homme à la mode), et Monsieur de Rênal reçoit une lettre anonyme dénonçant l'adultère de sa femme. Bien que ces racontars lui apparaissent fantaisistes, le maire de Verrières décide de se séparer de son précepteur. Julien, sur les conseils de l'abbé Chélan, quitte le domaine des Rênal et entre au grand séminaire de Besançon. Avant de partir, il a une dernière entrevue avec Mme de Rênal, qui lui paraît très froide, alors qu'elle lui porte toujours un amour profond. De là le malentendu qui aboutira à la tragédie. Julien l'impatient confond réserve et indifférence.
Au séminaire de Besançon, Julien est haï par ses camarades, sortes de paysans affamés dont l'aspiration suprême est « la choucroute du dîner » ; il y fait la rencontre de l’abbé Pirard, qui percevra bien son ambition, mais qui le protégera aussi. Il passera bien des moments pénibles, jusqu'au jour où l'abbé Pirard lui propose de devenir le secrétaire du marquis de La Mole. Il part alors pour Paris afin de prendre ses fonctions auprès de l'illustre aristocrate, après avoir rendu une visite clandestine à Mme de Rênal.
Seconde partie
Le marquis de La Mole, personnalité influente du faubourg Saint-Germain, remarque très vite l'intelligence de Julien, qui fait également la connaissance de Mathilde, la fille altière et passionnée du marquis, une personnalité remarquable et remarquée de la jeunesse aristocratique parisienne. En dépit de ses nombreux prétendants de haut rang et des origines modestes de Julien, elle ne tarde pas à s'éprendre de lui, en qui elle voit une âme noble et fière ainsi qu'une vivacité d'esprit qui tranche face à l'apathie des aristocrates de son salon.
Une passion (ambition voire fuite de l'ennui pour Mathilde) tumultueuse commence alors entre les deux jeunes gens. Elle lui avouera ensuite qu'elle est enceinte, et prévient son père de son souhait d'épouser le jeune secrétaire. Mathilde ne réussira pas à convaincre tout à fait son père de la laisser épouser Julien, mais, dans l'attente d'une décision, le marquis fait anoblir Julien et lui procure un poste de lieutenant de hussards à Strasbourg. Le fils de charpentier devient ainsi M. le chevalier Julien Sorel de La Vernaye.
C'est alors que Mathilde de La Mole appelle son amant à la rejoindre expressément à Paris : le marquis de La Mole refuse catégoriquement toute idée de mariage depuis qu'il a reçu une lettre de Mme de Rênal dénonçant (sur conseil impérieux de son confesseur) l'immoralité de son ancien amant rongé par l'ambition. Julien, impavide, se rend alors de Paris à Verrières, entre dans l'église et tire à deux reprises, en pleine messe, sur son ancienne maîtresse. Il ne se rend alors pas compte qu'il n'est pas parvenu à la tuer.
Malgré une opinion publique acquise à la cause du jeune Sorel, M. Valenod (qui fait partie du jury) parvient à faire condamner Julien à la guillotine, notamment à cause d'un discours provocant dénonçant les castes et l'ordre établi. Juste après l'exécution de Julien, Fouqué (son ami de toujours) rachète son corps au bourreau. Mathilde demande à voir la tête du père de son enfant, puis empoigne la tête de Julien et l'embrasse au front. Elle enterrera elle-même la tête à côté de sa tombe, dans une grotte située non loin de Verrières où Julien avait l'habitude de s'installer. Leur enfant aurait dû être pris en charge par Mme de Rênal, mais celle-ci meurt trois jours après Julien.
Les Personnages principaux
Julien Sorel : héros du roman. Fils d'un charpentier de Verrières, il est anobli à la fin du roman. Un temps précepteur chez Monsieur de Rênal où il est l'amant de Mme de Rênal, il vit ensuite dans un séminaire avant de devenir secrétaire chez le Marquis de la Mole. Il est décrit physiquement comme brun, pâle, fin et séduisant. Au fur et à mesure du roman, sa personnalité se révèle : jeune homme ambitieux, il n'hésite pas à user d'hypocrisie et de manipulations pour satisfaire son rêve d'ascension sociale ; pourtant il garde un « cœur noble ». Malgré son intelligence et son excellente mémoire, il ne parvient pas à briller en société, où il commet de nombreuses maladresses et autres erreurs de jugement. Son admiration pour Napoléon ne rencontre pas la faveur de l'époque (la Restauration) et il est contraint de la dissimuler. Il est âgé de dix-huit ans au début du roman et en a vingt-trois quand il meurt.
Monsieur de Rênal : premier maire de Verrières, mari de Mme de Rênal et premier employeur de Julien. Il doit sa fortune à une fabrique de clous dans Verrières. Ses opinions politiques, le jacobinisme et le libéralisme, se découvrent au fil du roman. Il a une « réputation d'esprit et surtout de bon ton » ; en outre « fort poli, excepté lorsqu'on parlait d'argent, il passait, avec raison, pour le personnage le plus aristocratique de Verrières ».
Mme Louise de Rênal : épouse de Monsieur de Rênal et amante de Julien. D'un caractère doux et réservé, elle se montre parfois naïve. Mère aimante de trois enfants, la maladie du plus jeune la fera se repentir de son adultère. Manipulée par son confesseur, elle écrit à la fin du roman une lettre de dénonciation de Julien au marquis de la Mole, qui précipitera sa chute.
Mathilde de la Mole : seconde amante de Julien, elle méprise les hommes de son rang et tue l'ennui de son salon en se moquant d'eux. Tout comme Julien, elle lit Voltaire en cachette, est fière, intelligente et passionnée. Très séduisante blonde aux yeux bleus. Elle est plus attirée par l'idée de sortir avec un fils de paysan que par Julien lui-même.
Le Rouge et le Noir et son époque
L'affaire Berthet (1827) représente la première source d'inspiration de Stendhal pour la trame de son roman3. Ce fait divers le concernait d'autant plus qu'il se déroulait à Brangues, petit village de sa région : l'Isère. Jugée aux assises de l'Isère, elle se rapportait à l'exécution d'Antoine Berthet, fils de petits artisans, qu'un curé remarqua très tôt pour son intelligence et qu'il fit entrer au séminaire.
Étude sociale, politique, historique
Le Rouge et le Noir est également un roman historique, car Stendhal tente de dévoiler les coulisses de la révolution de 1830, avec comme trame de fond la structure sociale de la France de l'époque, les oppositions entre Paris et la province, entre noblesse et bourgeoisie, entre les jansénistes et les jésuites.
Un roman psychologique
Dans Le Rouge et le Noir, Julien Sorel fait l'objet d'une étude approfondie. Ambition, amour, passé, tout est analysé. Le lecteur suit avec un intérêt croissant les méandres de sa pensée, qui conditionnent ses actions. Mathilde de la Mole et Mme de Rênal ne sont pas en reste. Leur amour pour Julien, égal l'un à l'autre, sont mis en perspective. Tout le monde est mis à nu sous la plume de Stendhal.