LE DRAME ROMANTIQUE

                                      Le drame romantique (1827-1843)

 

Le drame romantique est un genre littéraire théorisé par Victor Hugo  dans la préface de Cromwell et influencé par le théâtre baroque de Shakespeare ainsi que par les romantiques allemands (Heinrich von Kleist, Friedrich von Schiller...). La Préface de Cromwell (1827) est une véritable défense et une illustration du drame romantique.
 

Le drame hugolien engendre une révolution qui remet en question les préceptes dont la tragédie est dotée depuis le 17 ème siècle, notamment les règles de bienséance comme des trois unités. Selon cette règle, l'intrigue devait former un tout (unité d'action), cependant que la scène devait ne représenter qu'un seul lieu (unité de lieu) et la durée des événements représentés ne pas dépasser vingt-quatre heures (unité de temps). Les pièces de Victor Hugo, Cromwell (1827), Marion Delorme (1829), Hernani (1830), Lucrèce Borgia (1833) et Ruy Blas (1838), mais aussi celles de Musset, la Nuit vénitienne (1830), les Caprices de Marianne (1833), Fantasio (1834), Lorenzaccio (1834) On ne badine pas avec l'amour (1834), reprennent tous les règles de la dramaturgie romantique en multipliant les personnages et les lieux, mêlant le vers et la prose, le style haut et le style bas, le sublime et le grotesque, le beau et l'horrible. L'échec du drame de Victor Hugo, les Burgraves (1843), marquera en France la fin de la période romantique.

La préface de Cromwell

Victor Hugo a exposé les grandes lignes théoriques du drame romantique dans la préface de Cromwell (1827). Il y définit le drame romantique comme « une peinture totale de la nature ». S'y mêlent donc, selon son mot, « grotesque et sublime ». Selon Victor Hugo, aux trois âges du monde correspondent trois moments de la poésie : l'ode, l'épopée, le drame. Les temps primitifs sont lyriques, les temps antiques sont épiques, les temps modernes sont dramatiques. Le drame devient ainsi un point d'aboutissement, accueillant la totalité du réel : « le théâtre est un point d'optique. Tout ce qui existe dans ce monde, dans l'Histoire, dans l'homme, tout doit et peut s'y réfléchir, mais sous la baguette de l'art ». À esthétique nouvelle, dramaturgie nouvelle : la liberté de l'art s'accompagne d'une revendication de la totalité, du mélange des genres et des tons.

Le drame romantique trouve son origine dans le drame du XVIIIe siècle illustré par Diderot, Mercier ou encore Beaumarchais, qui mettent en scène le quotidien bourgeois. Avec la Révolution, le drame change de sens et devient historique ; l'Histoire ne concerne cependant pas que les puissants, comme dans la dramaturgie classique, mais aussi le peuple qui progressivement s'invite sur scène. C'est par exemple le cas dans le Ruy Blas de Victor Hugo, où un simple domestique devient premier ministre de la reine d'Espagne.

Mais le théâtre romantique apparait plus comme un exercice de style qu’un théâtre destiné à la représentation. L’échec de sa Nuit vénitienne (1830) incite par exemple Alfred de Musset à ne plus concevoir le théâtre comme un spectacle à admirer depuis la loge d’une salle de théâtre, mais « dans un fauteuil ». Aussi se consacre-t-il à un théâtre créé indépendamment de toute volonté de représentation.

 

Le héros du drame romantique

C'est un marginal, par réaction à l'élévation des personnages prônée par Aristote dans sa Poétique. Prosper Mérimée, par ailleurs historiographe, écrit ainsi avec la Jacquerie (1828) un drame sous la forme d'un récit dialogué qui transporte le lecteur au milieu du XIVe siècle et propose une interprétation du soulèvement des paysans du Beauvaisis. L'unité de lieu est alors mise à mal : la multiplicité des lieux est appelée par la visée totalisante, le désir d'exactitude. Cette liberté dans le choix des lieux et le nombre important de personnages rendent ces pièces difficiles à monter : Cromwell, qui met en scène 60 personnages dans une action de 6000 vers, est très peu jouée. Quant au Spectacle dans un fauteuil d'Alfred de Musset, il n'est tout simplement pas écrit pour la scène.

Le héros romantique est soumis à la vague individualiste européenne qui s'exprime notamment par les droits de l'homme et l'image de Napoléon. Il est marqué par le désenchantement, l'impression, comme l'exprime Musset dans Rolla, d'être « venu trop tard dans un monde trop vieux ». Le moi du personnage romantique est souvent clivé, marqué par la coexistence du grotesque et du sublime. Le grotesque est cette remise en cause de la virtus (le courage) du grand homme par le fait précisément de sa faiblesse humaine : c'est le cas d'Oliver Cromwell mais aussi de Lorenzaccio.

La bataille d'Hernani

Lors des premières représentations d’Hernani, en 1830, s'engage une féroce bataille entre les partisans et les détracteurs de la pièce. Cette querelle devient vite celle du classicisme et du romantisme, des anciens et des modernes. Ainsi, il semble que les détracteurs du drame romantique allaient nombreux assister aux représentations d’Hernani dans le but de déranger son bon déroulement, des pugilats éclataient alors entre les adversaires et les partisans de Hugo. Les représentations pouvaient durer jusqu'à cinq heures tant les sifflets et les jets de projectiles perturbaient les acteurs.

Date de dernière mise à jour : 20/12/2016

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