CYRANO DE BERGERAC Edmond Rostand

Cyrano de Bergerac est l'une des pièces les plus populaires du théâtre français, et la plus célèbre de son auteur, Edmond Rostand. Librement inspirée de la vie et de l'œuvre de l'écrivain libertin Savinien de Cyrano de Bergerac (1619-1655), elle est représentée pour la première fois le 28 décembre 1897, au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, à Paris.

La pièce est difficile à jouer : elle fait intervenir un grand nombre de personnages, elle est longue, le rôle titre est particulièrement imposant (plus de 1600 vers sur les 2600 de la pièce), les décors sont très différents d'un acte à l'autre et elle comporte une scène de bataille. Le succès en était si peu assuré qu'Edmond Rostand lui-même, redoutant un échec, se confondit en excuses auprès de l'acteur Coquelin, le jour de la générale, pour l'avoir « entraîné dans une pareille aventure ». La suite des évènements démentit les craintes de l'auteur : ce fut un triomphe. Le succès de la pièce ne s'est jamais démenti, en France (où elle est la pièce la plus jouée) comme à l'étranger. Le personnage de Cyrano est devenu, dans la littérature française, un archétype de personnage au même titre qu’Hamlet ou Don Quichotte.

Le contexte historique

La pièce est écrite entre 1896 et 1897. Politiquement, le contexte est plutôt à la morosité : la France est sous le coup de la défaite de 1870, l'affaire Dreyfus débute, un attentat anarchiste coûte la vie au président Sadi Carnot, la République sort à peine de sa tentation boulangiste, de nombreux scandales éclaboussent les hommes politiques. Nombreux sont les analystes qui voient dans ce contexte une des raisons de l'engouement du public, avide d'idéal, pour cette pièce.

L'actualité théâtrale favorise les pièces de boulevard et les vaudevilles (Georges Courteline, Georges Feydeau). Le naturalisme et le réalisme sont à l'honneur avec la parution de pièces étrangères (Strindberg, Ibsen). Drame historique écrit en vers, la pièce de Rostand se présente au public comme une bouffée de romantisme et fait dire à Francisque Sarcey dans Le Temps du 3 janvier 1898 : « Nous allons enfin pouvoir être débarrassés et des brouillards scandinaves et des études psychologiques trop minutieuses et des brutalités du drame réaliste »8.

 

Nature de la pièce

Cyrano de Bergerac est une pièce en 5 actes écrite presque entièrement en alexandrins. Edmond Rostand la qualifie de comédie héroïque mais les analystes y reconnaissent principalement les influences évidentes du théâtre romantique ou néo-romantique. Mais le succès de cette pièce tient au fait qu'elle réunit tout ce qui a constitué le théatre à la française depuis la farce, en passant par la tragédie classique ou la Grande comédie de Molière.

De la comédie héroïque, la pièce possède son sens de l'épique et la description d'un héros dont la vie s'organise autour de l'amour et de l'honneur. Il s'agit d'une œuvre qui exalte les valeurs de l'héroïsme et qui donne à tous le « courage d'être des héros ». D'autres auteurs lui reprochent un esprit cocardier.

Du romantisme, elle possède les caractéristiques du mélange des genres et des registres : on y côtoie la farce et ses coups de pied, les scènes d'amour et le pathétique. La langue alterne entre le registre noble et le registre familier. L'alexandrin se développe sous sa forme classique dans la Tirade du nez ou de celle des Non merci ou dans des répliques où le vers se désintègre. On passe brutalement de la scène intimiste (duo de l'acte II scène 6, trio de l'acte III scène 7, le couvent ...) aux grandes réunions collectives (l'hôtel de Bourgogne, la rôtisserie de Ragueneau, le siège d'Arras).

De la tragédie classique, la pièce conserve son découpage en 5 actes et un style qui rappelle parfois Corneille mais elle s'en démarque par son refus des règles classiques : il n'existe ni unité de lieu, ni unité de temps. L'unité d'action est toutefois respectée. Quant à la bienséance, elle est bafouée par la présentation d'un duel et la mort de Cyrano sur scène.

 

Jean Rostand affirme que son père voyait dans la pièce une symphonie et Jean-François Gautier confirme y déceler « cinq mouvements musicaux avec chacun son caractère, son thème, son rythme »33. Catherine Steinegger montre l'importance jouée par la musique dans la pièce (Cornemuse de Montfleury, fifre de Bertrandou, théorbes de d'Assoucy, orgue de couvent)34.

Liste des personnages

  • Cyrano de Bergerac
  • Roxane (Magdeleine Robin), cousine de Cyrano
  • Christian de Neuvillette
  • Comte de Guiche
  • Le Bret
  • Le capitaine Carbon de Castel-Jaloux
  • Les cadets
  • Lignière
  • De Valvert
  • Un marquis
  • Deuxième marquis
  • Troisième marquis
  • Montfleury
  • Bellerose
  • Jodelet
  • Cuigy
  • Brissaille
  • Un fâcheux
  • Un mousquetaire
  • Un autre
  • Ragueneau
  • Un officier espagnol
  • Un chevau-léger
  • Le portier
  • Un bourgeois
  • Son fils
  • Un tire-laine
  • Un spectateur
  • Un garde
  • Bertrandou le Fifre
  • Le capucin
  • Deux musiciens
  • Les pages
  • Les poètes
  • Les pâtissiers
  • Sœur Marthe
  • Lise
  • La distributrice des douces liqueurs
  • Mère Marguerite de Jésus
  • La duègne
  • Sœur Claire
  • Une comédienne
  • La soubrette
  • La bouquetière
  • Un espagnol
  • Une dame
  • Une précieuse
  • Une sœur
  • Une foule constituée de tous ces types de personnages

Résumé

Acte I

La scène se déroule en 164035 dans l’Hôtel de Bourgogne, où un public nombreux et varié, composé de bourgeois, de soldats, de voleurs et de petits marquis, va assister à une représentation de La Clorise, une pastorale de Balthazar Baro. On découvre Roxane, une jeune femme belle et distinguée, Christian de Neuvillette, un jeune noble qui l’aime en secret et le comte De Guiche, qui cherche à faire de Roxane sa maîtresse et veut la marier au vicomte de Valvert, ce à quoi la jeune femme ne souscrit pas. C’est alors qu’intervient Cyrano de Bergerac, le cousin de Roxane, au moment où Montfleury, l’un des acteurs, déclame sa première tirade. Cyrano interrompt la représentation et le chasse pour des raisons personnelles. Valvert intervient et provoque Cyrano, qui réplique par une brillante tirade à l’honneur de son propre nez. Tout en rimant, il sort son épée et bat en duel le vicomte, que ses amis évacuent blessé, tandis que l'assemblée acclame le vainqueur. Le calme revient. Cyrano, qui est secrètement amoureux de sa cousine Roxane mais dont le physique l’empêche de se déclarer, apprend que celle-ci lui fixe un rendez-vous le lendemain. Transporté, il raccompagne son ami Lignière pour le protéger d'une embuscade de cent hommes.

Acte II

Cyrano, fébrile, attend Roxane chez leur ami restaurateur et poète Ragueneau, en lui écrivant une lettre, et sans prêter attention aux interrogations et insinuations de la cantonade sur l'exploit de la nuit passée : cent hommes défaits par un seul !

À son arrivée, Roxane évoque leur enfance commune, puis révèle peu à peu à Cyrano qu’elle est amoureuse. Celui-ci, paralysé pour une fois par l'émotion, ne sait que répondre et elle avoue son amour envers le baron Christian de Neuvillette, qui vient d’être engagé dans la compagnie de Cyrano. Roxane, qui ne connaît pas les sentiments de Cyrano pour elle, souhaite juste lui demander de servir de parrain au jeune baron. Cyrano - effondré, mais n'en montrant rien - accepte.

Avant de quitter Cyrano, Roxane évoque son admiration pour le courage dont il a fait preuve face aux cent hommes. Il se contente d'un sobre et triste « Oh, j'ai fait mieux depuis ! » Roxane le quitte sans s'interroger sur cette remarque.

Christian cherche à braver Cyrano pour s'imposer dans la compagnie des Cadets ; celui-ci, fidèle à sa promesse, ne réplique pas et le jeune homme acquiert même son estime par ce courage. Christian lui parle alors de Roxane, qu'il se désespère de conquérir : elle est précieuse, tandis que lui ne sait parler d’amour. Cyrano, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, propose de l'aider à conquérir Roxane et lui donne, pour elle, la déclaration d'amour qu'il vient de rédiger, non signée. Christian l'accepte, sans se douter qu'elle était précisément destinée à Roxane.

Acte III

Le comte de Guiche rend visite à Roxane, qu'il cherche à séduire. Comme il lui annonce que le régiment de Cyrano -dans lequel sert Christian- va partir à la guerre, Roxane, qui veut protéger Christian, convainc le comte de laisser ce régiment se morfondre à Paris. Peu après, malgré les conseils de Cyrano, Christian rencontre Roxane, mais s'avère incapable de lui parler d'amour. La jeune précieuse le quitte, déçue. Cyrano aide Christian à rattraper cet échec. Caché dans l’ombre sous le balcon de Roxane, il souffle à Christian ses mots, puis prend sa place et déclare à Roxane son amour, la laissant totalement charmée par un si bel esprit qu’elle pense être celui de Christian. À peine ont-ils le temps d'échanger un baiser, que Roxane et Christian sont interrompus par un capucin, qui remet à la jeune femme une lettre du comte de Guiche lui annonçant qu'il va la rejoindre cette nuit même.

Roxane demande alors au capucin de célébrer sur le champ son mariage avec Christian. Pendant ce temps, Cyrano retarde de Guiche en se faisant passer pour un homme tombé de la lune. Arrivé à l'hôtel de Roxane, le comte la découvre mariée. Constatant qu’il a été abusé, il envoie aussitôt Christian et Cyrano combattre au siège d’Arras.

Acte IV

Assiégeant les Espagnols à Arras, la compagnie que dirige de Guiche est bloquée par les Espagnols, et les soldats, affamés, commencent à se décourager. Quant à Cyrano, il franchit tous les jours les lignes ennemies, au péril de sa vie, pour faire parvenir à Roxane des lettres qu'il écrit et signe du nom de Christian.

Touchée par ces lettres, Roxane parvient, grâce à la complicité de Ragueneau, à se rendre au siège d’Arras avec un carrosse rempli de victuailles. Elle veut prouver à Christian son amour et lui dit que c’est la « sincérité » et la « puissance » des lettres qu'elle recevait qui l'ont fait venir ici. Le jeune homme comprend alors que Cyrano est lui aussi amoureux de Roxane et que c'est de lui que la resplendissante jeune femme est amoureuse sans le savoir. Il enjoint Cyrano de révéler la vérité à Roxane, mais les Espagnols attaquent le camp et le jeune homme court au combat. Tué dans la bataille, il lui laisse une dernière lettre d’adieu et d'amour écrite par Cyrano. Celui-ci décide de garder le secret de son amour. De Guiche s'enfuit avec Roxane à la demande de Cyrano, lequel se lance à corps perdu dans le combat.

Acte V

Quinze ans plus tard, Roxane, toujours amoureuse de Christian, s'est retirée dans un couvent parisien où Cyrano lui rend visite une fois par semaine. Ce jour-là, Cyrano est tombé dans une embuscade et arrive au couvent mortellement blessé à la tête. Mourant, il ne dit pourtant rien à Roxane. Comme elle évoque la dernière lettre de Christian, qu'elle porte constamment sur elle, il demande à la voir et la lit à voix haute. Son ton trouble Roxane, qui reconnaît la voix qu'elle avait entendue sur son balcon ; elle s'aperçoit que Cyrano lit la lettre alors que la nuit est tombée, ce qui signifie qu'il la connaît par cœur. Elle comprend alors "toute la généreuse imposture". Cyrano demande à Roxane de pleurer sa mort au même titre que celle de Christian. Divaguant, il veut mourir debout et attend la camarde, l'épée à la main, en pourfendant vainement les « Sottise », « Préjugés », « Lâchetés » et « Compromis ». Il meurt en emportant avec lui son « Panache ».

Lieux et périodes

Cyrano de Bergerac est une pièce de théâtre qui se déroule en plusieurs endroits. Tout d’abord dans l’hôtel de Bourgogne, un lieu où sont représentées un grand nombre de pièces de théâtre vers le XVIIe siècle. Puis dans la boutique de Ragueneau, la rôtisserie des poètes, où le rôtisseur-pâtissier Ragueneau dirige les travaux de ses cuisiniers tout en écrivant des vers. Ensuite devant le balcon de Roxane où Cyrano et Christian parleront d’amour à celle-ci. Après, dans le camp d’Arras où le régiment de Cyrano assiégera la ville. Enfin, le parc du couvent parisien des Dames de la Croix où Roxane s’est retirée. Il semble que tous ces endroits se situent à Paris, excepté le camp d’Arras qui se situe dans le nord de la France.

La première partie (les quatre premiers Actes) s’étend entre le 3 juin et le 9 août 1640, laps de temps durant lequel se déroula le siège d’Arras auquel participe Cyrano de Bergerac dans ce récit et auquel le véritable Cyrano de Bergerac, dont Rostand s'est inspiré, participa également. La seconde partie a lieu « 15 ans après le siège d’Arras, en 1655 » dans un cinquième Acte qui marquera la fin de la pièce avec la mort de Cyrano.

Personnages

Cyrano

 

 

La pièce est centrée sur Cyrano. Sur les 2 600 vers qui la composent, plus de la moitié sont prononcés par lui. D'après Maurice Rostand, la personnalité de Constant Coquelin, à l'aise dans les longues tirades et moins à l'aise dans les scènes d'amour, a grandement influé sur le développement du personnage. C'est lui aussi qui est l'origine de l'habitude de donner ce rôle à des acteurs d'âge mûr, alors qu'en 1640, le Cyrano historique n'avait que 21 ans.

Cette personnalité comporte de multiples facettes qui en font un personnage très complexe.

Commedia dell'arte

Cyrano, avec son chapeau, son masque, sa cape et son épée, ses rodomontades, a tous les ingrédients qui peuvent faire de lui un héros de la Commedia dell'arte. Magali Wiéner-Chevalier signale que Cyrano, dans la scène du duel, se réfère au personnage de Scaramouche. Elle y voit des analogies avec Scapin ou le Capitan. Nombreux sont les critiques qui évoquent, à son sujet, ce personnage de Matamore mais qui démontrent par ailleurs qu'il n'est pas que cela.

Héros romantique

Avec son mélange de pathétique et de sublime, Cyrano est considéré comme l'archétype du héros romantique tel que le décrit Victor Hugo dans la préface de Cromwell42. Grotesque par sa disgrâce physique qui le range dans la catégorie des Quasimodo ou des Riquet à la houppe43, il est sublime par son sens du dépassement44, sa bravoure et son sens du sacrifice45. Cyrano est l'homme des contrastes46 : il allie le courage physique (combat porte de Nesle, siège d'Arras) à la timidité (rendez-vous avec Roxane47) . Malgré ses victoires au combat, il est poursuivi par l'échec : c'est Christian qui récolte le baiser, fruit de la conquête de Cyrano, c'est Molière qui récolte la gloire avec la réplique « Mais qu'allait-il faire dans cette galère ? »48. Edmond Rostand lui fait dire au sujet de son épitaphe : « Cyrano de Bergerac, qui fut tout et qui ne fut rien »49. Pour Raymond Trousson16, c'est toute la pièce qui est ainsi traversée par le thème de l'échec, et Jules Harazti note la sympathie qu'éprouve Rostand pour ces « ratés de l'amour et de la gloire »50. Cyrano, c'est aussi un assortiment de fanfaronnade et de pudeur sur ses souffrances51, alternant l'énergie et la mélancolie52.

Idéalisme

Le personnage est aussi attachant par sa soif d'idéal et son refus des compromis53. Pour Susan Lloyd, chez le personnage d'Edmond Rostand, la poursuite d'un idéal est plus importante que son achèvement et la loyauté de Cyrano envers Christian serait autant due à son sens de l'honneur qu'à la préférence d'un amour spirituel à un amour charnel : inconsciemment, Cyrano préfèrerait l'idéal à la réalité54. Trousson16 parle d'un personnage généreux, idéaliste, en lutte contre le vulgaire et rappelle la tirade « J'ai décidé d'être admirable en tout, pour tout ! »55. Il faut aussi citer Constant Coquelin, se proposant à Rostand pour devenir son « Colporteur d'idéal ».

Le panache

Lors de la dernière scène, le rideau tombe sur ce dernier mot prononcé par Cyrano, « mon panache ». Ce mot est très fortement associé au personnage. Magali Wiéner-Chevalier56 le définit comme la capacité à être « vif, spirituel, poète même dans l'adversité ». Edmond Rostand lui-même développe ce thème lors de son discours d'entrée à l'Académie française et le décrit ainsi :

« Le panache, n'est pas la grandeur mais quelque chose qui s'ajoute à la grandeur, et qui bouge au-dessus d'elle. C'est quelque chose de voltigeant, d'excessif - et d'un peu frisé [...], le panache c'est l'esprit de bravoure. [...] Plaisanter en face du danger c'est la suprême politesse, un délicat refus de se prendre au tragique ; le panache est alors la pudeur de l'héroïsme, comme un sourire par lequel on s'excuse d'être sublime[...] »57

Et c'est toujours Edmond Rostand qui conseille aux élèves du collège Stanislas, lors d'une représentation de Cyrano, d'avoir du panache58.

Le panache n'est pas sans rappeler la figure d'Henri IV demandant lors des combats que l'on se rallie à son panache blanc, figure évoquée d'ailleurs par Cyrano reprochant à de Guiche sa lâcheté59.

Le verbe

Cyrano prononce environ 1 600 vers60 dans la pièce. Tour à tour chroniqueur (la gazette), pasticheur (la ballade du duel), séducteur (scène du balcon), captiveur (le voyage sur la lune), envoûteur (la scène du fifre), Cyrano est, selon Patrick Besnier, un « homme-parole »61, qui transforme tout en mots et qui a besoin d'un auditoire pour exister (Roxane ou de Guiche). C. Flicker signale l'importance de l'escrime verbale dans toute la pièce : les duels se font autant par les mots que par l'épée. Mais elle signale aussi le drame de Cyrano : son incapacité à livrer son âme autrement que par écrit. Elle parle de « tragédie de la parole impossible »62.

Héros faustien

Le pacte passé entre Christian et Cyrano qui les lie jusqu'à leur mort évoque Faust63. À Christian, Cyrano offre son esprit, tandis que Christian donne sa beauté aux paroles de Cyrano. Tous les deux y perdent leur âme. Le pacte ne peut être rompu : Christian s'y essaie, en vain au début de l'acte III. Même la disparition de Christian à la fin de l'acte IV ne libère pas Cyrano et il faut attendre la mort du héros pour que les deux personnages soient réunis dans l'amour de Roxane.

Homosexualité

Le fait que le personnage historique, Savinien de Cyrano de Bergerac, ait été homosexuel64, et les rapports ambigus qu'entretiennent les trois personnages, permettent d'imaginer que le personnage de Cyrano éprouve des sentiments amoureux pour Christian. Jérôme Savary évoque cette éventualité parmi d'autres65. Jean-François Gautier signale que l'on trouve de tout dans les interprétations dont celle de la psychanalyse de l'homosexualité66. Cette question est aussi soulevée par Patrick Besnier67.

Magdelaine Robin dit Roxane

Elle est décrite comme belle et précieuse, admiratrice d'Honoré d'Urfé et lectrice de la Carte de Tendre. Pour créer son personnage, Edmond Rostand s'est inspiré de deux femmes du XVIIe siècle: Madeleine Robineau, cousine de Savinien de Cyrano de Bergerac, épouse de Christophe de Champagne, baron de Neuvillette, qui, devenue veuve après le siège d'Arras, se fit dévote et chercha à faire revenir son cousin libertin au sein de l'Église, et Marie Robineau, précieuse, amie de Madeleine de Scudéry, connue sous le nom de Roxane68.

Si Patrick Besnier ne voit en elle qu'un personnage inconsistant, inaccessible, dont l'unique rôle serait d'écouter69, d'autres lui reconnaissent de l'épaisseur70. Loin du personnage idéalisé par Cyrano (la plus belle de toutes, tenant le rôle de cousine, complice d'enfance, mère de substitution71), Roxane se présente comme une personnalité tranchée capable d'évolution. Au début de la pièce elle se révèle précieuse, frivole, égoïste, capricieuse comme dans la scène 6 de l'acte II71, elle peut se révéler manipulatrice comme dans la scène 2 de l'acte III, elle maîtrise parfaitement le beau langage et manie avec aisance la métaphore, mais elle s'enferme dans les apparences72: elle aime Christian parce qu'il est beau et lui imagine de l'esprit pour se donner le droit de l'aimer. Les paroles de Cyrano vont la faire naître à l'amour véritable. Elles vont lui faire découvrir la sensualité16 (acte III, scène 7 « oui je tremble, et je pleure, et je t'aime et je suis tienne, tu m'as enivrée »). Elles vont la rendre héroïque (entrée dans le camp des cadets en pleine guerre) et vont lui révéler qu'elle aimerait Christian même laid. Elle reste fidèle à cet amour même après la mort de Christian.

Christian

Le baron de Neuvillette a réellement existé et a bien épousé une cousine de Cyrano, mais le personnage réel se prénommait Christophe73. Edmond Rostand le décrit comme beau et courageux. Il se dit sot, mais est capable d'esprit dans sa joute verbale contre Cyrano (Acte II, scène 9). Au départ superficiel (il est capable de bâtir une relation amoureuse sur une imposture), le personnage mûrit16 et évolue vers davantage d'authenticité. Il cherche à se libérer du pacte conclu avec Cyrano (acte III scène 4) et, lorsqu'il découvre l'amour qu'éprouve Cyrano pour Roxane, il s'efface généreusement74 en allant à la mort.

Le comte de Guiche

Le comte Antoine III de Gramont, comte de Guiche, futur duc de Gramont et maréchal de France, était un personnage influent à l'époque de Savinien de Cyrano de Bergerac.

Dans la pièce, c'est un personnage puissant et ambitieux75. Il utilise sa puissance pour parvenir à ses fins, obtenir la femme qu'il désire (Roxane) ou se venger de ceux qui lui tiennent tête : vengeance contre Lignière (acte I), contre Christian qu'il envoie au combat (fin de l'acte III), contre Cyrano et les cadets après l'épisode de l'écharpe (acte IV, scène 4). Philippe Bisson y voit un « double négatif » de Cyrano76. Il est cependant capable de courage et même de panache (« je vais me battre à jeun » acte IV, scène 7)77 .

On le retrouve, à la fin de la pièce (acte V, scène 2), assagi et un rien désabusé16. Fidèle, lui non plus n'a pas cessé d'aimer Roxane, mais se montre désormais clément envers ses anciens rivaux, louant à demi-mots Christian et tentant de prévenir l'attentat contre Cyrano. Il louera finalement amplement Cyrano pour avoir vécu « sans pactes, libre dans sa pensée autant que dans ses actes », et avoue qu'il « lui serrerait bien volontiers la main ».

Personnages historiques

Outre de Guiche, de nombreux personnages représentent des personnalités de leur époque.

Les académiciens

Lors de la représentation (acte I scène 2), le personnage du bourgeois cite à son fils les noms des académiciens (1re génération) qui assistent à la pièce de Baro (Balthazar Baro).

Les précieuses

Lors de la représentation au théâtre (acte I scène 2) puis lors de la lecture de la Carte de Tendre (acte III), les précieuses sont présentes, et cachent leurs hauts patronymes derrière leurs surnoms. Ceux-ci ont été notés par Antoine Baudeau de Somaize dans son Dictionnaire des Précieuses (1661).

Poète et acteurs

Sur scène (Acte I scène 3 et 4) et dans le théâtre, on retrouve :

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