BECKETT Samuel (1906-1989)

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Samuel Beckett (1906-1989)

Samuel Barclay Beckett (Dublin, 13 avril[1] 1906 - Paris, 22 décembre 1989) est un écrivain, poète et dramaturge irlandais d'expression française et anglaise, prix Nobel de littérature.

Toute l'œuvre de Beckett est traversée par une appréhension aiguë de la tragédie qu'est la naissance : « Vous êtes sur terre, c'est sans remède ! » dit Hamm, le protagoniste principal de Fin de partie. Cette vie doit tout de même être vécue. Car, ainsi qu'il est écrit à la fin de L'Innommable, « il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer ».

L'œuvre est un témoignage sur la fin d'un monde. Témoin perspicace et lucide de son époque, Samuel Beckett a annoncé la fin de l'art (En attendant Godot) et la fin d'une époque marquée par la prééminence, en Europe, de la culture française (Fin de partie), bien avant que ces thèmes ne deviennent à la mode. L'art ne peut plus chercher à embellir le monde comme dans le passé. Une certaine idée de l'art arrive à sa fin. Beckett souligne cette hypocrisie dans Oh les beaux jours. Winnie s'enchante d'un monde qui connaît chaque jour un « enrichissement du savoir », tandis que, dans sa main, son compagnon Willie tient une carte postale pornographique.

On peut grosso modo diviser la vie d'écrivain de Beckett en trois parties : la première, les premières œuvres, jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale ; la deuxième, de 1945 à 1960, au cours de laquelle il écrit ses pièces les plus connues ; et enfin, de 1960 à sa mort, période qui voit la fréquence de ses publications diminuer, et son style devenir de plus en plus minimaliste.

Samuel Barclay Beckett né dans une famille bourgeoise irlandaise protestante d’une banlieue aisée de Dublin, Foxrock. La maison, le jardin, la campagne environnante où Samuel grandit, le champ de courses voisin de Leopardstown, la gare de Foxrock sont autant d'éléments qui participent du cadre de nombre de ses romans et pièces de théâtre. Beckett étudie ensuite le français, l'italien et l'anglais au Trinity College de Dublin, entre 1923 et 1927. Il suit notamment les cours de A. A. Luce, professeur de philosophie et spécialiste de Berkeley. Il obtient son Bachelor of Arts et, après avoir enseigné quelque temps au Campbell College de Belfast, est nommé au poste de lecteur d'anglais à l'École normale supérieure de Paris sur les recommandations de son professeur de lettres françaises et mentor Thomas Rudmose-Brown[6]. C'est là qu'il est présenté à James Joyce par le poète Thomas MacGreevy, un de ses plus proches amis, qui y travaillait aussi depuis 1926 mais avait décidé de quitter son poste pour se consacrer entièrement à la littérature. Cette rencontre devait avoir une profonde influence sur Beckett, qui devint garçon de courses puis « secrétaire » de James Joyce qui souffrait des yeux, l'aidant notamment dans ses recherches pendant la rédaction de Finnegans Wake.

C'est en 1929 que Beckett publie son premier ouvrage, un essai critique intitulé Dante... Bruno. Vico. Joyce., dans lequel il défend la méthode et l'œuvre de Joyce dont certains critiquent le style obscur. Les liens étroits entre les deux hommes se relâchèrent cependant lorsque Samuel repoussa les avances de Lucia, la fille de Joyce, dont il s'est rendu compte qu'elle était atteinte de schizophrénie, maladie que refusait de voir son père. C'est aussi au cours de cette période que la première nouvelle de Beckett, Assumption, fut publiée par l'influente revue littéraire parisienne d'Eugène Jolas, Transition. L'année suivante, il est le lauréat d'un petit prix littéraire pour son poème Whoroscope, composé à la hâte en 1929, et inspiré par une biographie de Descartes que Beckett lisait alors.

En 1930, il revient au Trinity College en tant que lecteur et écrit en 1931 un deuxième essai en anglais intitulé Proust. En 1932, pour la revue "This Quarter", il traduit un poème d'André Breton, Le Grand secours meurtrier, paru en France dans le recueil Le Revolver à cheveux blanc et ayant pour thèmes les convulsionnaires de Saint-Médard et Lautréamont[10]. Il se lasse assez vite de la vie universitaire, et exprime ses désillusions d'une manière originale : il mystifie la Modern Language Society de Dublin en y portant un article érudit au sujet d'un auteur toulousain nommé Jean du Chas, fondateur d'un mouvement littéraire appelé concentrisme ; ni du Chas ni le concentrisme n'ont jamais existé, sinon dans l'imagination de Beckett, mais cela lui permet de se moquer du pédantisme littéraire. Pour marquer ce tournant important de sa vie, inspiré par la lecture des Années d'apprentissage de Wilhelm Meister, de Goethe, il écrit le poème Gnome, que publie le Dublin Magazine en 1934.

Après plusieurs voyages en Europe, notamment en Allemagne, il se fixe en janvier 1938 définitivement à Paris ,peu avant la Seconde Guerre mondiale. Son premier roman, Murphy, fit l'objet de trente-six refus avant d'être finalement publié par Bordas en 1947[.

Le 7 janvier 1938, Beckett est poignardé dans la poitrine par un proxénète notoire dont il a refusé les sollicitations. Gravement blessé, il est transporté d'urgence à l''hôpital Broussais. La publicité entourant l'agression attire l'attention de Suzanne Dechevaux-Dumesnil (en), femme curieuse de théâtre et de littérature qui a rencontré Sam au cours d'une partie de tennis quelques mois auparavant. Il entame une liaison avec celle qui deviendra son épouse[13].

Lors de la déclaration de la guerre, il se trouve en Irlande. Il regagne alors précipitamment la France, préférant « la France en guerre à l'Irlande en paix ». Il participe activement à la résistance contre l'occupation nazie. Il est recruté au sein du réseau Gloria SMH par son ami, le normalien Alfred Péron. Quand le réseau est dénoncé, Samuel Beckett, prévenu par la femme de son ami Péron, échappe de peu à la police allemande. Il se réfugie d'abord dans la capitale chez l'écrivain Nathalie Sarraute, puis de 1942 à avril 1945 à Roussillon, dans le midi de la France[14]. Beckett apprend en 1945 que Péron est mort après la libération du camp de Mauthausen. Le 30 mars 1945, il se voit décerner la Croix de Guerre avec étoile d'or. Selon son biographe James Knowlson, l'œuvre de l'écrivain est profondément marquée par les récits de déportation des camarades de Péron et par la guerre.

 

Se consacrant entièrement à la littérature depuis les années 1930, il entre dans une période de créativité intense de 1945 à 1950, période qu'un critique a appelé « le siège dans la chambre »[16].

Au début des années 1950, Jérôme Lindon, directeur des Éditions de Minuit, publie la première trilogie beckettienne de romans à clef : Molloy, Malone meurt, L'Innommable[.

Les années 1960 représentent une période de profonds changements pour Beckett, dans sa vie personnelle comme dans sa vie d'écrivain. En 1961, au cours d'une cérémonie civile discrète en Angleterre, il épouse sa compagne Suzanne Déchevaux-Dumesnil, principalement pour des raisons liées aux lois successorales françaises. Le triomphe que rencontrent ses pièces l'amène à voyager dans le monde entier pour assister à de nombreuses représentations, mais aussi participer dans une large mesure à leur mise en scène. En 1956, la BBC lui propose de diffuser une pièce radiophonique : ce sera All That Fall (« Tous ceux qui tombent »). Il continue à écrire de temps à autre pour la radio, mais aussi pour le cinéma (Film, avec Buster Keaton) et la télévision. Il recommence à écrire en anglais, sans abandonner pour autant le français.

Le prix Nobel de littérature lui est attribué en 1969 : il considère cela comme une « catastrophe »[18] ; en fait, il rejette par là une certaine industrie beckettienne, au sens où cette récompense accroît considérablement l'intérêt de la recherche universitaire pour son œuvre[19]. D'autres écrivains s'intéressent à lui, et un flot constant de romanciers et de dramaturges, de critiques littéraires et de professeurs passent par Paris pour le rencontrer. Son désarroi de recevoir le prix Nobel s'explique aussi par son dégoût des mondanités et des devoirs qui y sont liés ; son éditeur Jérôme Lindon ira tout de même chercher le prix. Cioran, ami et admirateur de Beckett, écrira dans ses Cahiers : « Samuel Beckett. Prix Nobel. Quelle humiliation pour un homme si orgueilleux ! La tristesse d'être compris ! »[ .

Les années 1980 sont marquées par sa seconde trilogie : Compagnie (en), Mal vu mal dit, Cap au pire.

Suzanne Beckett, son épouse, décède le 17 juillet 1989. Beckett, atteint d'emphysème et de la maladie de Parkinson, part dans une modeste maison de retraite où il meurt le 22 décembre de la même année. Il est enterré le 26 décembre au cimetière du Montparnasse .

Date de dernière mise à jour : 11/02/2016

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